Il existe deux grandes approches pour étudier les valeurs :
L’auteur majeur est Ronald Ingelhart. Son approche est non typologique et comprend deux axes d’analyse :
Il étudier les différences de valeurs selon les pays et leurs évolutions. Pour illustrer les résultats de son travail, il propose de situer les pays étudiés selon deux axes, avec en ordonnée un positionnement allant des valeurs traditionnelles (liées à l' autorité, à la famille à la religion...) à des valeurs rationnelles modernes (démocratie, innovation,...) et en abscisse un positionnement allant de valeurs de survie (sécurité, appartenance...) à des valeurs d'expression (bien être, qualité de vie, créativité...). Pour interpréter le résultat obtenu, Inglehart s'appuie à la fois sur la géographie, la religion, l'idéologie et la langue comme le montre le graphique-carte ci-dessous.
Cette carte culturelle du monde de Ronald Inglehart et Christian Welzel illustre l’étonnante correspondance des valeurs dans les différentes cultures et permet de distinguer, avec quelques chevauchements, les zones culturelles suivantes : anciens pays communistes, pays confucianistes, pays anglophones, Europe catholique et Europe protestante, Amérique latine, Afrique et Asie du Sud. Si le nombre de valeurs est quasiment illimité, Inglehart a constaté au cours de ses trente années de recherches que 70% des valeurs pouvaient être classées selon deux axes et intégrées dans un système. L’axe horizontal indique le passage des valeurs de survie aux valeurs d’épanouissement personnel, l’axe vertical celui des valeurs traditionnelles aux valeurs séculières et rationnelles. Toutefois, contrairement à ce que l’on pensait dans les années 1970, la tendance mondiale n’est pas à la sécularisation, et ce en raison du taux de natalité nettement plus élevé chez les femmes croyantes. Au contraire, le nombre de personnes purement laïques tend à diminuer.
Il oppose ainsi les sociétés traditionnelles (matérialistes) aux sociétés développées (post-matérialistes) Inglehart considère que des valeurs post-matérialistes de « self-expression », de créativité conduisent à donner la priorité à la protection de l'environnement, à bien tolérer la diversité culturelle, à demander une participation aux décisions politiques, économiques, éthiques, à s'impliquer dans l'éducation des enfants, à aborder les débats de façon tolérante, à cultiver la confiance interpersonnelle... Le développement humain fait donc passer de la contrainte (en bas à gauche) au choix (en haut à droite).
Inglehart souhaite s'inscrire dans le débat posthume entre Marx et Weber sur les importances respectives des sphères économique et culturelle dans la modernisation des sociétés. Pour Inglehart, Marx avait raison, car c'est l'économique qui prime sur le culturel. Inglehart défend en effet l'idée selon laquelle « le développement économique a des conséquences politiques et culturelles systématiques et dans une certaine mesure prévisibles ».
Pour Ronald Inglehart, le changement des valeurs est déterminé par deux facteurs, le premier étant la sécurité physique et économique. Celui qui n'est pas menacé et mange à sa faim peut jouir d'une plus grande liberté d'action et s'épanouir davantage. Des valeurs comme la tolérance, la démocratie ou la protection de l'environnement remplacent alors les valeurs de survie. Le second facteur à avoir une incidence sur l'échelle de valeurs est le type d'activité. Un agriculteur, par exemple, est à la merci de la nature : selon les conditions météorologiques, sa récolte sera bonne ou mauvaise. Il ne peut que s'en remettre à une puissance supérieure. D'où l'importance primordiale des valeurs religieuses dans une société agricole. Mais dès que la chaîne de montage remplace la charrue, la planification centrale prend la place de Dieu. L'industrialisation évince la religion, et les valeurs deviennent séculières. Les changements sont encore plus radicaux dans une société fondée sur le savoir, comme le constate Inglehart en Europe occidentale, aux Etats-Unis ou au Japon. L'extrême rapidité de l'évolution oblige les gens à s'adapter en permanence et à faire preuve d'innovation et de créativité. La réalisation de soi devient une condition sine qua non.
Cette approche tolérante et confiante est propice en politique à l'expression libre des diverses opinions, ce qui est crucial pour la qualité du débat et de la vie démocratique.
Les auteurs majeurs sont Milton Rokeach et Shalom Schwartz. Leur approche est typologique, et comprend deux axes d’analyse :
Détaillons les différents modèles de typologies de valeurs selon les auteurs.
Milton Rokeach (1918-1988), professeur de psychologie à l'université du Michigan, a été le pionnier de cette approche. Il explicite son approche des valeurs dans The Nature of Human Values (1973). Il a mis en évidence l’approche individuelle qui s’articule autour des cinq postulats suivants :
Compte tenu de la hiérarchie des valeurs, Rokeach a retenu 36 valeurs, qu’il a distinguées en deux types :
Notons que cet inventaire a été construit en se basant sur la société américaine, et doit donc être adapté pour d'autres pays. De plus, l'ordre de ces valeurs change suivant les pays. Par exemple, d’après Kamakura et Mazzon, Journal of Consumer Research, 1991 :
Sélection de valeurs terminales de Rokeach | Brésil |
USA |
---|---|---|
Amitié authentique (camaraderie étroite), | 1 |
10 |
Plénitude amoureuse (intimité sexuelle et spirituelle) | 2 |
14 |
Bonheur (satisfaction) | 3 |
5 |
Harmonie intime (absence de conflit intérieur) | 4 |
13 |
Liberté (indépendance, libre choix) | 5 |
2 |
Sécurité familiale (en prenant soin de ceux qu’on aime) | 7 |
1 |
L’égalité (fraternité, égalité des chances pour tous) | 8 |
12 |
L’inventaire de Rokeach présente un inconvénient : les valeurs ne sont pas liées à la vie quotidienne des consommateurs. Pour cette raison, les spécialistes en marketing préfèrent aujourd’hui utiliser le LOV (List of values) qui a été développé par Lynn Kahle, professeur de marketing à l’Université du Michigan, dans Social Values and Social Change (1983).
Son approche s’articule autour du postulat suivant : les individus s’adaptent à certains rôles dans la vie, en partie, en fonction de leurs valeurs. L’échelle de Kahle est une forme plus condensée que celle de Rokeach, ses valeurs sont orientées vers la personne alors que celles de Rokeach sont plutôt orientées vers la société. De plus, les valeurs de Kahle sont purement terminales. Les auteurs ont ainsi abouti à une liste de 9 valeurs :
Les six premières valeurs sont des valeurs internes parce qu’elles sont issues de l’individu alors que les quatre dernières sont des valeurs externes. La théorie LOV note de même l’importance des gens dans l’accomplissement des valeurs. Les valeurs pouvant être réalisées à travers les relations interpersonnelles (interaction avec les autres, relations chaleureuses), des facteurs personnels (respect de soi, être respecté, l’accomplissement personnel) ou des aspirations personnelles (sentiment d’accomplissement, sécurité, amusement et joie de vivre).
Shalom Schwartz est professeur de Psychologie Sociale à l’Université Hébraïque de Jérusalem ; prix d’Israël 2007 dans le domaine des sciences humaines et sociales, il a mené pendant 40 ans des recherches approfondies au sujet des valeurs personnelles et culturelles. Son approche (avec Wolfgang Bilsky), présentée dans Toward an Universal Structure of Human Values, in Journal of Personnality and Social Psychology (1987) s’appuie principalement sur les travaux de Rokeach.
Pour Schwartz, les valeurs répondent à la définition suivante :
Ces valeurs répondent à trois besoins qui sont :
Ce modèle comporte 56 valeurs, regroupées en 10 « domaines motivationnels ».
Cette nouvelle théorie de la structure psychologique universelle des valeurs humaines a été testée par les auteurs dans 40 pays différents vu que « Les théories qui aspirent à l’universalité comme celles-ci doivent être testées sur de nombreux échantillons culturellement différents » (Schwartz et Bilsky, 1993).
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